Tout commence ou finit par un Banquet. Daniel Spoerri le sait bien…Avant lui, Rabelais -le chantre de la paternité gigantale- nous avait déjà conviés à sa table où Grandgousier et Gargantua faisaient l’éloge de la Dive Bouteille. Ils gouvernent encore les mémoires de ceux, nombreux sur les bords de Loire et de Vienne, qui élèvent la gastronomie et le vin, comme un enfant. Ici, l’artiste international
Daniel Spoerri (85 ans !) passe à table dans les gigantesques Caves Painctes de Chinon en créant un Banquet palindrome où la fin marque le début : le début de la faim ! Une exposition de ses œuvres majeures est présentée dans différents lieux de la ville, rendant ainsi hommage à l’artiste, qui, dès les années 60, inventa le Eat-Art.
Il ne pouvait en être autrement ! Daniel Spoerri pose ses valises en Rabelaisie, un petit coin de paradis situé en Touraine qui se la coule douce entre Loire et Vienne, dont la capitale « Chinon » incarne si bien l’art de vivre, à la française.
Daniel Spoerri, l’inventeur du Eat ART ne s’y est pas trompé : c’est bien ici que François Rabelais, le géant universel de la littérature française, est né !
Spoerri et Rabelais ont en commun une oeuvre polymorphe qui donne à rire et à penser. Si le Manger et le Boire sont des gestes « premiers » omniprésents dans leur travail, la soif est une allégorie à l’inextinguible besoin d’apprendre et une invitation à comprendre.
Chez Rabelais, l’écriture est toujours un piège : la dérision et la parodie sont partout, rien n’est à prendre au sérieux et surtout pas ce qu’affirment ses personnages. Mais la lecture ne peut s’arrêter là ! Il faut lire entre les lignes, ouvrir son esprit…l’exercice critique doit être perpétué par le lecteur.
Chez Spoerri, c’est pareil. Le spectateur a aussi son rôle à jouer. Les tableaux-pièges figent ou piègent les « restes » du repas : la vaisselle sale, le cendrier plein, le verre renversé, le vin qui a coulé, le temps qui a passé… portent encore les traces d’avant. Que s’est-il passé avant ? Tout peut être imaginé ! Et la dimension esthétique presque naturelle de « ce qui reste » saute aux yeux. Figer un repas dans l’instant-même où les convives le laissent et le redresser à la verticale comme un tableau, une peinture, puis l’accrocher au mur…L’éphémère prend ainsi des allures d’éternité.
Spoerri aurait sans doute aimé figer les restes des banquets monumentaux de Pantagruel et de Gargantua. Finalement Rabelais s’en est chargé à sa façon ! L’épopée de ses héros a traversé les siècles et inspire encore les artistes aujourd’hui ; la preuve.